ASSOCIATION
pour la DÉFENSE du
PATRIMOINE COMMUNAL du pays d'Annot
(04240)
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La vie de Sœur Marie de tous les saints
Je
vais vous parler brièvement de la vie d’une femme Annotaine dont la vie
aurait peut-être passé inaperçue sans l’écriture d’un livre en 1754,
sur la vie des religieuses capucines au célèbre couvent de Marseille.
Dans
la nuit du 22 aout 1668, dans la maison des arcades, au premier étage,
la maman étant assistée du docteur Henri Maurin, du chirurgien Jean
Tarpon et de la sage-femme, dont malheureusement le nom n’est pas
donné, mit au monde, après une nuit d’atroces souffrances, une petite
fille que l’on nomma Marie, qui fut baptisée le lendemain même au fond
de cette église où nous nous trouvons.
Les
officiants étaient Messire Angelin Brun, curé doyen de la paroisse et
Pierre Maty, vicaire.
Cette
enfant était issue des plus prestigieuses familles d’Annot, les Rabiers
de Chateauredon, présents à Annot depuis le 16ème siècle. Cette famille
s’était alliée avec celle des "De Trabaud", vieille noblesse locale.
Les
"De Rabiers" vivaient de leurs nombreux domaines en métayage, tant sur
le territoire de Chateauredon, que sur celui d’Annot et de sa viguerie,
notamment le domaine de Plan de Coulomp, dont il portait le titre.
Monsieur
De Rabiers était à l’époque le viguier d’Annot. Le viguier était nommé
par le Roi et il le représentait dans son rôle de juridiction et
d’administration, un peu comme un préfet à l’échelle de la ville.
C'est-à-dire
qu’il n’avait pas le rôle politique du premier Consul de la ville, qui
était élu par les chefs de famille
Revenons à Marie, qui déjà toute enfant restait longtemps silencieuse
des heures durant et s’intéressait davantage aux images saintes qu’aux
jeux habituels des enfants.
Le
nouveau curé doyen Messire Honoré Verdollin, devant ce penchant,
l’instruisit rapidement à la Bible et aux langues latine et française.
Ses
rares heures de loisirs se passaient en compagnie des enfants les plus
pauvres d’Annot, avec lesquels elle montait à la chapelle de
Vers-la-Ville, en leur distribuant du pain, dont elle avait rempli ses
poches à la maisonnée.
La
petite troupe faisait invariablement halte à la roche des cent
marches, au sommet de laquelle était juchée une bâtisse qui servait
jadis de poste de guet pour avertir la population lors d’attaques
extérieures.
C’est
alors que la trompe sonnait, nous dit Marie et tous les Annotains
allaient se réfugier dans le cirque rocheux de la Chambre du Roi.
Les
enfants s’amusaient volontiers sur cette roche des cent marches, avant
de continuer leur ascension vers la chapelle.
Le
tempérament mystique de la jeune enfant devait se dévoiler par ses
longues heures de contemplation, en particulier devant la toile du
Maître-Peintre d’Annot, Jean André.
Cette
toile, toujours à Vers-la-Ville, avait été commandée par la communauté
et représentait "L’annonciation" faite à la Vierge par l’ange Gabriel,
pour lui annoncer le mystère de l’Incarnation.
Le jeu des enfants consistait à jouer en silence, dans la chapelle, à
en poser les personnages dans les positions du tableau.
Vers
dix ans, un autre trait de son caractère se fit jour : celui de la
connaissance de l’avenir ; Marie était en somme ce qu’on appelait à
l’époque une pressentie !
Elle
devinait du fond de sa chambre obscure transformée en chapelle,
l’arrivée du convoi de mulet qui venait d’Aix, deux fois par mois.
En
1690, le seul hospital de la région, l’Hôtel-Dieu, établi depuis peu à
Annot, manquait de tout le nécessaire pour soigner les nombreux malades.
Marie
se démena tant qu’avec l’aide de son oncle, Pierre Rabiers de
Chateauredon, chanoine de la cathédrale de Fréjus, elle obtint une
pension de 100 livres pour l’établissement.
Dans
la même année, elle demanda à sa famille d’utiliser la maison voisine
de la leur pour ouvrir une école destinée aux filles du village ; elle
en fit elle-même la classe avant de prendre un prêtre pour y enseigner.
C’est
à partir de là qu’elle s’aperçut qu’elle pouvait très bien vivre sans
beaucoup manger, puis l’habitude aidant, feignait auprès de ses parents
de se nourrir, alors qu’elle ne faisait que picorer, cela lui
permettant de donner sa ration aux pauvres.
S’inspirant
du Christ, elle s’auto-infligeait des mortifications et macérations ;
elle porta même une silice, qui est un affreux corset de peau de chèvre
que l’on serre autour de son ventre pour rendre difficile l’ingestion
de tout aliment.
Elle
était prête à succomber, pour l’amour de Dieu, d’autant que son père
mort, elle voulut le suivre…
Mais telle ne fut pas la volonté du divin…
Peu
après, une mission religieuse se fit à Annot et le chanoine Pierre
André Ferrandy fut frappé par la pureté et le port austère de cette
jeune fille.
Il
devint son guide spirituel et interdit les jeûnes et les pénitences ;
rapidement Marie reprit sa bonne mine.
En
1692, elle émit le vœu de prendre le voile au couvent des religieuses
capucines de Marseille.
Son
entourage n’y était guère favorable, ainsi que son confesseur.
Sa
place n’était-elle pas à son hôpital, à son école ? Mais son
obstination fut telle qu’elle l’emporta.
Le
comble fut quand sa famille apprit qu’elle souhaitait devenir sœur
converse, c'est-à-dire domestique, alors que son rang social et sa
fortune lui eussent permis de se faire servir et devenir plus tard mère
abbesse du couvent, mais son empressement fut le plus fort.
La
veille de son départ pour Marseille, elle fut attaquée par des fièvres,
comme si du poison coulait dans ses veines et elle rejetait de la sueur
glacée.
Ce
mal ne se calma qu’après avoir jeté un œil sur les "montagnes sacrées",
c’est ainsi qu’elle nommait la barre rocheuse qui surplombe la chapelle
de Vers-la-Ville.
Elle
fut admise au couvent le 31 octobre 1693, sous le nom de Sœur Marie de
tous les Saints.
Toute
sa vie elle s’occupa à servir au mieux ses sœurs capucines aux cuisines
et aux travaux du ménage.
Ses
dons de devineresse étaient tels qu’on venait la consulter de
loin.
Elle
apporta gloire et fortune au couvent, mais elle continua à manger du
pain moisi et boire de l’eau tiède.
Après
de longues années du dur travail, elle écrivit à ses neveux que c’était
sa dernière lettre, car elle avait deviné qu’elle allait bientôt mourir.
Elle
fut en effet attaquée peu après par une violente fièvre qui ne la lâcha
plus jusqu’à sa mort le 13 juin 1731, où, en souriant elle chanta un
cantique en provençal et après avoir demandé pardon pour tous ses
péchés, elle s’éteignit, toujours en souriant.
Les meubles de sa cellule furent remis à sa famille où ils furent
conservés dans la maison des arcades avec le plus grand soin et
vénération.
Marie
est partie depuis 350 ans, mais je suis bien certain que désormais en
passant devant la maison des arcades, vous aurez une pensée pour elle.
J-L
D.
