ASSOCIATION
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Le
miracle de Sainte Anne à Entrevaux
La
fin de l'année 1954 est employée, en dehors de l'exploitation de la
cave-crypte de la rue basse qui poursuit sa carrière juteuse, à la
réalisation du film intitulé tout bêtement : "Les faits miraculeux
d'Entrevaux" par un cinéaste inconnu, Alberto Mantica, né en Italie,
qui ne dispose que de très peu d'argent et d'encore moins de talent.
Or,
en ce domaine, il n'y a pas de
miracle, c'est le cas de le dire : petit budget, petit film, petit
public, règle d'or hollywoodienne qui ne souffre aucune exception.
Confiez
l'histoire d'Entrevaux à Cécil B. de Mille, et ce
sera un triomphe.
Mantica
fait ce qu'il peut et sa production sort le 29 novembre 1956 au Colisée
Gaumont, 38, avenue des Champs-Élysées, mais ne remporte qu'un succès
d'estime, comme on dit pudiquement pour masquer un bide monstre. Même
résultat au cinéma Astor, 12, rue Montmartre, où le bide est encore
plus absolu.
Pourtant,
cet insuccès, qui pourrait être désastreux, permet à Da Vinci de
constituer son fameux comité de patronage.
Cela
consiste à chercher une brochette de personnages qui n'y connaissent
rien, mais sont suffisamment enrubannés de titres et de fonctions pour
imposer le respect et donner à l'œuvre patronnée les dimensions d'un
événement.
Il
suffit d'avoir la langue bien pendue, un don de persuasion développé et
un motif hautement philanthropique.
Da
Vinci a tout cela dans sa musette et peut un jour réunir chez Drouant,
au su et au vu de la presse, un véritable aréopage : l'amiral Lacaze,
l'ambassadeur de France Louis de Robien, l'ancien ministre Rivollet,
l'écrivain José Germain, et quelques nobles dames patronnesses du 16ème
arrondissement.
L'amiral
Lacaze a tout de même demandé timidement : "Quel est le motif hautement
philanthropique ?"
A
quoi Da Vinci répondit sous les applaudissements de l'assemblée :
"Redonner à l'humanité souffrante la foi et l'espoir en la guérison de
son âme malade.".
Triomphe
assuré dans les salons du boulevard Saint-Germain et les cénacles de
Saint-Germain-des-Prés, ce qui comble de joie le tandem Da
Vinci-Salvadé désormais lié pour le meilleur et pour le pire. Le pire
étant toujours à venir.
Ces
bonnes nouvelles compensent heureusement des nuages qui commencent à
traîner dans le ciel d'Entrevaux, car la fin de l'année 1954, malgré
les pancartes, malgré les cierges, ne tient pas les promesses de ses
débuts.
Essoufflement,
lassitude, usure des sentiments humains, aucun n'échappe à l'érosion du
temps.
Moins
d'adorateurs et par conséquent moins de généreux donateurs, ce qui est
grave. Le doigt de sainte Anne est sans doute complètement cautérisé,
puisqu'il n'a pas saigné depuis son installation dans la
châsse-vitrine, confirmant le sourire sarcastique, venimeux et entendu
de Richer, le secrétaire de mairie.
Heureusement
que les collègues de sainte Anne veillent au grain dans le panthéon des
élus, et le coup de tonnerre qui va sauver la situation éclate au début
de l'année 1955.
Les
journalistes de Paris-Presse, de Nice-Matin et de Paris-Match n'ont pas
oublié Tropini et ses appareils. Bien sûr l'œil scrutateur des rayons X
n'a décelé aucune des tubulures que subodorait Richer, ni aucune
supercherie, bien sûr que le sang miraculeux était du sang humain, mais
encore.
Les
rationalistes au cœur de pierre n'ont pas dit leur dernier mot.
Ils
examinent à la loupe les clichés du docteur Tropini et en avalent leur
râtelier, car le dessin remarquablement net qui apparaît sous leurs
yeux, est, tenez-vous bien, celui du Christ, celui du Sauveur, celui de
Jésus de Nazareth mort sur la croix et ressuscité trois jours après. On
se pince pour savoir si on ne rêve pas.
Non,
on ne rêve pas. Le visage qui s'étale sur la pellicule, d'une
incroyable netteté est bien celui qu'une tradition populaire et une
riche iconographie ont portés jusqu'à nous.
Invraisemblable, insupportable et impressionnant.
Alors
que sainte Anne a le visage lourd, quelque peu boursouflé, les yeux
ronds un tantinet inexpressifs, celui qui apparaît est un visage fin,
sans conteste un visage d'homme aux pommettes creuses, aux yeux
mi-clos, terminé par la célèbre petite barbiche.
La
tête est inclinée sur le côté gauche, avec une
expression de tristesse et de miséricorde infinie.
L'incroyable
nouvelle sera publiée le 1er janvier 1955, dans le N° 300 de
Paris-Match, où paraît sur la double page 66 et 67 presque grandeur
nature, l'une des photographies les plus sensationnelles de ces
dernières années. Le journaliste n'y va pas par quatre chemins et titre
: "Sous les rayons X, le visage de la sainte devient celui du Christ".
Coup
de tonnerre est un faible mot. Le journal doublera ses ventes et Marcel
Le Breton, directeur-gérant dira : "Nous faudrait un truc comme ça tous
les mois !"
Richer
tombera malade une bonne semaine, ne sachant plus à quel saint se vouer
et Jeanne tapissera tout un mur de l'Auberge avec les exemplaires de
Paris-Match.
Cependant,
le plus important ne s'est pas encore manifesté, il ne se manifestera
que le dimanche suivant, et ce sera le cinquième miracle
d'Entrevaux.
